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Le Blog d'Emmanuel Y. Boussou
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28 décembre 2006

La paix par la sagesse ou le fauteuil présidentiel par la force

Bonne Année, Monsieur le Chef de l’Etat !

Je voudrais commencer cette adresse, dans le respect de la tradition, en vous souhaitant une Bonne et Heureuse Année 2007. A votre  famille, à votre entourage, à vos partisans, je forme des vœux de bonheur, de réussite et de prospérité.

A vos adversaires politiques, à vos frères et sœurs de l’opposition ivoirienne,  à tous les Ivoiriens qui ont des convictions politiques divergentes des vôtres, j’exprime mes souhaits de bonne santé, de joie et de succès.

Que 2007 apporte l’entente, la concorde et la paix dans nos foyers, dans nos communautés, au sein de la grande Famille Ivoire ! Que 2007 soit une année qui nous incite à la sagesse, à la tolérance et à l’amour ! Que les douze prochains mois nous servent  à entrer en nous-mêmes, dans l’humilité, la candeur et l’honnêteté, pour situer nos responsabilités, sans faux-fuyant et sans nous décharger sur des boucs émissaires, dans la crise qui ronge notre patrie, afin d’en trouver la solution appropriée.

Je le souhaite vivement pour vous les politiques, pour tous les citoyens ivoiriens, ainsi que pour nos frères des autres pays qui vivent chez nous. Je le souhaite surtout pour vos thuriféraires, les plus zélés, ceux qui nourrissent le désir de me réduire au silence, comme ils l’ont fait avec Jean Hélène et Guy-André Kieffer. A ces démocrates d’un autre âge, j’adresse mes salutations fraternelles et mes vœux de Bonne et Heureuse Année 2007 !  

Je voudrais faire savoir à vos laudateurs qu’au-delà de nos désaccords, nous avons la Côte d’Ivoire en partage ; ils sont mes frères et soeurs. Que l’amour qu’ils nourrissent pour notre patrie soit plus fort que les urticaires qu’ils ressentent à la lecture de mes écrits. Qu’ils comprennent que l’attachement à notre patrie ne se mesure pas  et ne se limite pas à la dévotion à votre personne, à votre parti ou à votre action. Aimer la Côte d’Ivoire, c’est aimer d’abord les femmes et les hommes qui la composent, quelles que soient leur origine, leurs opinions politiques ou leurs convictions religieuses.

Aux injures de vos admirateurs à moi adressées suite à mes précédents articles, aux avanies qu’ils seront portés à proférer en lisant ces lignes, je ne dirai qu’une seule chose, avec regret du reste : comme les mauvaises herbes, qui poussent dans un champ laissé en jachère, les injures proviennent d’un esprit faible et inculte.

Je voudrais vous interpeller aujourd’hui sur quelques unes de vos relations, à la lumière de certaines de vos récentes déclarations que je trouve déroutantes. Je sais que vos relations sont votre jardin secret. De fait, elles n’intéressent personne ! Mais, étant donné que ces amitiés et inimitiés débordent sur la vie publique ivoirienne et s’expriment nécessairement sur le terrain politique, elles se soumettent à la sagacité et à la scrutation du citoyen ordinaire que je suis. Mais, avant de le faire, je voudrais revenir sur votre dernière proposition à la rébellion pour un dialogue avec elle, en guise de sortie de crise.

Je n’ai souvenance, dans nos contrées, de cas de conflits opposant deux individus qui, sans le concours d’une tierce personne, taisent volontairement leurs dissensions et vont à la paix. Vous savez bien que la palabre africaine, l’arbre à palabres, c’est principalement un rassemblement, une institution animée par une communauté, pour venir à bout de différends qui surgissent entre les membres de cette communauté. Bien plus, c’est un exercice d’exorcisme, de régulation sociale. Elle implique, en général, tout ce qu’un village a d’intelligence, de génie, de sagesse, mais surtout de tact, de circonspection, de dextérité. Ce n’est point une affaire entre deux personnes en conflit, qui sont, de toute façon, mues par des contrariétés et rongées par des antagonismes et autres aigreurs baignant dans un esprit de suspicion. Entre des gens qui s’affrontent, la seule règle qui vaille est celle du plus fort !

La crise qui consume notre patrie ne dure pas à cause de la multiplicité d’intermédiaires entre les parties en conflit, mais plutôt parce que nous ne nous engageons pas dans sa gestion de bonne foi. C’est vrai que les solutions jusque-là proposées ne nous ont pas permis de sortir de l’ornière. Mais, si la multiplicité d’intermédiaires ne contribue pas nécessairement à la résolution du conflit, elle n’en est pas, à mon avis, l’inhibiteur principal. D’ailleurs, c’est l’une après l’autre que des approches de sortie de crise sont proposées, avec notre accord et l’implication de différents facilitateurs. Si nous avions été capables d’arriver à un accord sincère à Lomé, il n’y aurait pas eu de Linas-Marcoussis !

Notre crise est projetée dans la durée du fait des acteurs principaux  qui sont votre camp, celui de la rébellion et accessoirement les formations politiques. Les blocages sont dus au fait qu’aucun des acteurs politiques majeurs de l’espace public ivoirien, y compris les formations politiques et principalement la vôtre, n’entrevoit la fin de la crise sans sa victoire en termes de contrôle de l’appareil d’Etat. Le slogan « on gagne ou on gagne » en est l’illustration parfaite. Par ailleurs, une économie de guerre s’est installée aussi bien en zone gouvernementale que dans l’antre de la rébellion avec les gains que cela suppose pour les uns et pour les autres sur la dépouille de notre patrie. Ce qu’il faut, c’est une volonté de tous d’aller à la paix, sans condition et sans calcul, en pensant à la Nation d’abord.

Comment pourriez-vous, en effet, arriver, avec la rébellion, à la paix sans intermédiaire, à quelle condition et à quel prix ? N’est-ce pas la voie de l’affrontement que vous essayez de rouvrir ? Votre approche ne constitue-t-elle pas une méthode dilatoire ou une manière de retarder la fin de la crise?  Pensez-vous que vous inspirez suffisamment confiance aux rebelles pour qu’ils s’engagent dans un dialogue direct avec vous afin d’arriver à une solution négociée au conflit ?

Pour revenir à vos relations, je voudrais vous prier de nous situer sur la portée de vos différends avec Guillaume Soro, le petit qui a grandi à votre ombre, et Louis-André Dacoury-Tabley, votre frère et ami d’enfance. Qu’est-ce qui a mal tourné entre vous pour que vous en arriviez à un conflit sanglant soldé par la déchirure de la Nation en deux ? Qu’est-ce qui vous a opposés hier, qui n’ait  pu être géré en fraternité, pour qu’on aboutisse à ce conflit honteux ? Et comment comptez-vous trouvez une solution, pour arracher le désarmement et conduire des élections en juillet 2007 ? Vos inimitiés auraient-elles disparu du jour au lendemain ?

En parlant de Soro et de Dacoury, il me vient à l’esprit les brouilles que vous avez eues avec des personnalités ayant joué un rôle primordial dans la vie du Front populaire ivoirien (FPI) et contribué, ainsi, à votre ascension  au sommet de l’Etat ivoirien. Il s’agit, entre autres, de : Anaky Kobena, Georges Coffie, Ali Kéita, Valère Guéi, Boniface Ouraga Obou, Charles Blé Blé. Certaines de ces personnalités ont créé des partis, quand d’autres ont rejoint une formation politique avec laquelle vous étiez en alliance avant le coup d’Etat de décembre 1999 : le Rassemblement des Républicains (RDR). Les ressentiments résultant de ces séparations ne se sont-ils pas, comme des ruisseaux, jetés à la rivière des griefs des tenants de la rébellion contre votre régime ?    

A propos du RDR, vous avez dit, il y a de cela quelques jours, que vous aviez contribué à sa création. Vous auriez renoncé de vous porter candidat à l’élection présidentielle d’octobre 1995 par solidarité avec le leader de ce parti, qui aurait été exclu de ce scrutin par le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Le boycott actif fut le résultat de cette action conjuguée avec le RDR au sein du Front républicain.

Qu’est-ce qui explique donc qu’au lendemain du coup d’Etat de 1999 qui, à vos dires, aurait été entrepris pour installer M. Ouattara au pouvoir, vous vous insurgiez contre un nombre trop élevé de postes ministériels accordés au RDR dans le gouvernement de la junte militaire ? Que dites-vous de ce dicton de chez nous : « on ne reçoit pas la part du lion au butin d’une battue à laquelle on n’a pas participé ».

Quelle logique motive votre abstention à l’élection présidentielle de 1995 et fonde votre participation au scrutin de 2000, les deux consultations électorales ayant été marquées par l’exclusion de votre allié du Front républicain ? Que dire du rejet de la candidature de M. Ouattara à l’élection législative de décembre 2000, au moment où vous êtes au pouvoir ? Avait-on besoin de soumettre les militants du RDR aux sévices que nous avons observés en octobre et décembre 2000 ? N’est-ce pas tout cela qui a servi aux rebelles de justifications de leurs forfaits ?  

Vous avez annoncé précédemment qu’entre M. Alassane Ouattara et vous, il n’y aurait aucune dissension. J’ose vous croire et espérer qu’il en soit de même avec tous les acteurs principaux de la vie publique ivoirienne, qui ne partagent pas votre vision de la gestion de  notre pays. D’ailleurs, l’un des vœux que je nourris, de manière candide, est de vous voir, dans une cérémonie solennelle, au cours de l’année 2007, tomber dans les bras de M. Ouattara, devant Guillaume Soro et Henri Konan Bédié, et ceci sous le regard de Charles Konan Banny.

Loin de relever du folklore habituel, une telle cérémonie vous donnerait l’occasion de nous prouver que rien ne vous oppose, sauf la différence d’approche de vos desseins pour notre pays. Cela voudrait dire que les dépits suscités par vos tumultueuses relations avec vos partenaires d’hier du FPI et du Front républicain auraient laissé place à l’idéal de construction d’une Nation ivoirienne solidaire, fraternelle et harmonieuse. Il serait, ainsi, question de nous prendre à témoin et d’affirmer que vous iriez, MM. Ouattara, Bédié et vous-même, aux élections en acceptant les résultats issus des urnes, qu’ils vous soient favorables ou défavorables. Et que chacun de vous consentirait à servir la Côte d’Ivoire, à quel que niveau que ce soit. A l’orée de la nouvelle année, je voudrais nourrir l’espoir de voir notre pays libéré d’antagonismes factices et farfelus portant sur des questions de gestion politique.

Vous avez dit une chose édifiante dans l’interview que vous avez accordée en novembre dernier à la station de télévision 3A Télésud et qui a été diffusée pendant le week-end de Noël 2006 : les propositions de sortie de crise faites dans le cadre de rencontres internationales viseraient, selon vous, à vous chasser du pouvoir. Contre cela, vous affirmez que vous résisterez. Ceci suppose que tant qu’une solution de sortie de crise ne comporte pas, comme finalité, votre maintien au pouvoir, vous la rejetteriez. Le contraire de votre logique voudrait que ceux qui contrôlent 60% du territoire national et qui disent avoir pris les armes pour votre départ ne déposent pas ces armes sans avoir obtenu gain de cause.

A ce jeu, notre pays demeurera ballotté entre votre lutte pour vous maintenir au pouvoir et la détermination de vos compagnons d’hier de vous en chasser. En clair, ni votre camp, ni celui de la rébellion, en solo ou en duo, ne pourrait conduire une transition devant aboutir à une sortie de crise dans notre pays. C’est la raison pour laquelle je reviens sur ma proposition relative à votre retrait de la transition.

Je n’ai nullement l’intention de vous demander de renoncer à vos charges de Chef de l’Etat. Je l’oserais que vos sicaires me trancheraient la gorge ! Il est plutôt question de votre mise en retrait de la transition pilotée par le Premier-Ministre. Il me semble, en effet, qu’entre, d’une part, votre interprétation de la Constitution pour justifier le plein exercice, de force, des charges présidentielles, et, d’autre part, la nécessité d’aller à la paix par la sagesse, il y a un choix à opérer.

   

Emmanuel Y. Boussou

Etats-Unis, 28 décembre 2006

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