Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Blog d'Emmanuel Y. Boussou
Le Blog d'Emmanuel Y. Boussou
Derniers commentaires
Archives
23 juin 2007

Bravo M. le Président, mais, encore un effort !

Monsieur le Président, je vous écris cette énième lettre ouverte pour émettre mon opinion, celle d’un simple citoyen ivoirien, sur trois points au cœur de la vie publique de notre pays. Il s’agit de l’Accord de Ouagadougou, des troubles dans les partis d’opposition et des futures échéances électorales censées fermer la parenthèse honteuse de la crise ivoirienne.

A propos du Dialogue direct engagé sous votre impulsion et qui a donné lieu à l’Accord de Ouagadougou, je voudrais, en toute sincérité, vous adresser mes vives félicitations. Dans un des mes récents écrits, j’avais émis des doutes sur l’aboutissement d’une telle initiative, au moment où vous en aviez esquissé l’idée. Ce n’était point par cynisme ou par pessimisme que j’avais exprimé ces doutes, mais par réalisme et par expérience des volte-face observées de part et d’autre des protagonistes du conflit, depuis septembre 2002. Pour le moment, vous et vos adversaires de la rébellion donnez l’impression d’avoir pris une option ferme en faveur de la paix dans notre pays. Je vous en félicite et vous encourage à poser, chaque jour davantage, les jalons de la construction de la paix. Continuez dans cette voie. Elle est la plus lumineuse et la plus porteuse d’espoir qui soit !

La quête de la paix est une œuvre pénible, exténuante, mais exaltante. Elle requiert la dextérité, la patience et la tolérance. Bien que la paix se fasse généralement à deux, elle s’entreprend d’abord en soi, avec soi et sur soi. Pour faire la paix avec les autres, il faut être en paix avec soi-même. C’est, en réalité, la paix en soi qu’on extériorise, transmet ou étend à l’autre. Ainsi se fait-on un partenaire emporté par l’élan de la paix, qui se trouve, à son tour, en paix avec lui-même, pour que la symbolique, mais aussi le rituel et le procès de l’acte exprimant l’adhésion à la dynamique de la paix, puissent se mettre concrètement en mouvement.

Monsieur le Président, engager un processus politique en faveur de la paix exige une action de sublimation. Il faut, pour réussir, aimer aujourd’hui ce qu’on a maudit hier ; il faut adorer ce qu’on a abhorré, faire renaître de ses cendres ce qu’on a brûlé. Pour tout dire, cela ressemble bien, s’il n’en est pas un, à  un acte de courage, d’honneur, de cœur. Il s’agit de faire preuve d’humilié. C’est pourquoi je tiens à vous féliciter. Merci Monsieur le Président, de percevoir, dans la nécessité d’aller à la paix dans notre pays, la survie de la Côte d’Ivoire, le devenir de ses peuples, la cohésion de ses populations.

        

Le deuxième point de ma lettre porte sur les remous dans les partis d’opposition, principalement le Rassemblement des Républicains (RDR) et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI).  Les départs en cascade de cadres de ces partis, surtout du RDR, pour rejoindre votre famille politique (le Front populaire ivoirien-FPI) ou pour créer des mouvements satellites dans le prolongement de la « galaxie patriotique » ne m’émeuvent pas. D’ailleurs, je trouve qu’en vous en amputant l’entière responsabilité, vos adversaires vous font un mauvais procès. La politique, vous en convenez avec moi, n’est pas un jeu d’enfant.

Il est vrai, vos opposants et une partie de la presse nationale font état de situations qui seraient, à leur avis, des cas d’achat de conscience. Leurs assertions trouvent pour fondement cette déclaration que vous auriez faite : « Si je savais qu’il était aussi facile d’acheter des hommes, je n’aurais pas investi dans l’armement ».  A mon sens, l’achat de conscience est autant abominable que la répression sanglante de manifestations d’opposants. C’est une violation caractérisée de la dignité humaine, tant elle réduit l’adhésion d’un homme ou d’une femme au projet d’un acteur politique à une valeur marchande. C’est le summum de la corruption. Cependant, je me demande s’il est approprié de parler d’achat de conscience à propos de transhumants politiques. Ont-ils encore une conscience ? E si c’est le cas, ne dit-on pas qu’un esclavage volontairement consenti laisse d’en être un ?

Mais, dans le cas d’espèce, on ne saurait mettre en relief le seul facteur argent. Les partis d’opposition doivent faire leur propre autocritique, définir de nouvelles stratégies, convaincre de la pertinence de leurs programmes. Ils doivent également se montrer ingénieux, faire preuve de générosité et de clairvoyance dans la quête de la paix. N’étant pas au pouvoir, ils ont une marge de manœuvre, subissent moins de pression, que vous et votre entourage. De plus, la gestion de cette crise est autant de leur responsabilité que de la vôtre, bien que vous en soyez le premier comptable.

Je ne saurais vous blâmer, si j’apprenais que, par quel que artifice que ce soit, vous aviez réussi à convaincre MM. Bédié et Ouattara de déserter leurs partis au profit du vôtre ! Je mettrais cela sur le compte de votre maestria. Après tout, la transhumance politique est une pratique ancrée dans nos traditions politiques. Elle est, en outre, moins dangereuse que la guerre, même si les deux prennent leur source dans les faiblesses humaines. Par ailleurs, les deux principaux partis de l’opposition ne peuvent affirmer qu’ils n’ont jamais suscité de départs du FPI pour remplir leurs rangs.                    

Pour parler des prochaines consultations électorales, je voudrais faire allusion à une séquence vidéo de la RTI  disponible sur l’Internet, grâce au portail Abidjan.net : Vous auriez dit, le 17 juin dernier, devant les populations de Dioulabougou, à Gagnoa, à peu près ceci : il a y a un catalogue d’actions à engager avant d’aboutir aux élections. Le moment venu, je viendrai vous dire que je vais aux élections, aidez-moi ; mais actuellement, je vous demande de m’aider à faire la paix. Ces deux bouts de phrases simples sont, à mon humble avis, la tenue la mieux indiquée, la position la plus appropriée, le mot le plus juste et le plus sage, d’un chef d’Etat, pour sortir son pays d’un état de belligérance ou de crise larvée, afin de le conduire à la réconciliation des cœurs et des esprits.

Il y a, en effet, un temps pour tout. On ne fait pas la paix avec un objectif de conservation ou de confiscation de pouvoir. La paix exige un état d’esprit, implique une dynamique et définit une logique, qui s’accommode difficilement d’impératifs de conquête ou de maintien de pouvoir. En d’autres mots, il faut impulser la réconciliation, construire la paix, avant de penser au fauteuil présidentiel. 

Monsieur le Président, depuis mars 2007, l’horizon semble se clarifier dans le ciel brumeux de la vie publique de notre pays. Il se dégage une volonté d’aller réellement à la paix, de votre côté comme de celui de vos anciens amis qui ont pris les armes contre votre régime. Si rien n’indique encore que des élections seront organisées dans notre pays l’année prochaine, il existe aujourd’hui un environnement favorable à la réconciliation qui faisait défaut hier. C’est à vous qu’on le doit !

Avant de conclure cette lettre, je voudrais, tout modestement, vous suggérer d’être persévérant dans l’effort. Je voudrais aussi revenir sur certains points évoqués dans mes messages précédents, principalement ceux relatifs aux conditions de transparence et de crédibilité des prochaines élections, si elles ont lieu.

L’une des raisons de pérennisation de la crise réside dans l’enjeu principal du conflit, c’est-à-dire le pouvoir politique. En effet, si l’objectif des rebelles était la prise de force de votre pouvoir, la logique de préservation et de confiscation de ce pouvoir par votre entourage ne pouvait vous permettre d’engager, dans la sérénité, des stratégies de gestion de la crise. Passés les premiers moments de convulsion, une fois l’échec du coup d’Etat consommé, il aurait fallu vous détacher de la hantise de la perte du fauteuil présidentiel, pour ne percevoir que la nécessite de conduire notre pays à la paix et à la réconciliation, comme préalables de nouvelles élections qui seraient moins calamiteuses que celles d’octobre 2000.

Ceci suggère l’abandon de l’idée véhiculée par une formule lapidaire bien connue des dirigeants de votre parti : « On gagne ou on gagne ». N’entrevoir des élections que celles qu’on est assuré de rempoter prédispose à la fraude. Il faut absolument se départir de l’idée qu’une élection se gagne avant son organisation et par des manœuvres qui n’ont rien à avoir avec la volonté populaire. Dans l’état mental actuel de la Nation au sortir de cette crise, une victoire au forceps, à l’issue des prochaines consultations électorales, ne passerait pas comme une lettre à la poste. Le vainqueur d’un scrutin entaché de fraude sera, par peur d’une tentative de renversement de son régime, tenté de gérer le pays dans la terreur, avec tous les risques que cela comporte. De plus, des élections truquées nous conduiraient inéluctablement à une autre rébellion.

Monsieur le Président, lorsque le moment d’aller aux élections viendra, organisez-vous pour mener une campagne studieuse, vigoureuse, mais civilisée. Faites usage de tous les moyens autorisés par la loi. Mais, faites-le dans le respect de vos adversaires, sur la base de votre projet pour la construction de notre pays. Si, après tout, la majorité des citoyens de notre pays ne veut pas vous accorder son suffrage, ne vous accrochez pas au pouvoir, rendez le tablier ! Si vous êtes élu à l’issue d’un scrutin régulier, honnête et transparent, personne n’aura de raison valable pour contester votre victoire et la légitimité de votre pouvoir.

Emmanuel Y. Boussou

Etats-Unis, le 22 juin 2007                        

   

Publicité
Commentaires
I
Qui est ce Dali Roger à la plume austère de Tacite ?
D
Mon nom de plume austère sur le net est Tacite.
D
Je vous écris pour vous dire que vous êtes un pauvre con. Je vous le dis raisoner au lieu de résonner. Mes amitiés malgré tout tout le tort que vous et les vôtres avez fait aux Ivoiriens du Sud et au Godié!
S
Bonjour Emmanuel,<br /> <br /> Tu dis que tu étais sceptique devant le projet du dialogue direct au moment de sa proposition. Je t'invite à lire mon point de vue à l'époque sur mon blog. Pour cela, il faut aller dans la rubrique Archive au mois de décembre. L'article s'intitule : Cette main tendue qui fait de l'ombre.<br /> Bonne lecture et à bientôt.
Le Blog d'Emmanuel Y. Boussou
Publicité
Publicité